Le feu crépite, la fumée monte, des taches de couleurs complémentaires sont en mouvement. Au centre d'une vue panoramique, un bateau de pêche est échoué à marée basse. Certains hommes font fondre le goudron pour renforcer l'étanchéité de la coque. L'anse s'étend jusqu'à l'entrée de Pont-Aven, où l'on aperçoit sur la gauche un moulin sur la rivière et le clocher du village. Le peintre, en effet, agrandit la scène en modifiant la réalité. Pour développer une zone de végétation plate, la colline devient une masse en surplomb. Maufra rejoint ainsi l'école de Pont-Aven par l'extrême simplification des formes et l'utilisation de l'anneau sombre qui les sépare. Mais son art est hybride et original : de l'impressionnisme il retient la touche et l'intérêt des reflets sur l'eau.

En 1888, Pont Aven est le théâtre d'importantes innovations plastiques. Simplification radicale des formes, utilisation de couleurs pures disposées sur des surfaces planes, étrangères à la perception ordinaire, abandon du cadrage et de la perspective classiques, à la manière des estampes japonaises : tout cela caractérise la révolution formelle qui s'opéra plus tard et dont chaque artiste s'est approprié à sa manière. Le terme "synthèse" définit cette nouvelle approche qui remplace l'observation par sa recréation par l'imaginaire. Cette libération de l'emprise académique, ce "droit à tout oser" prôné par Gauguin, emmènent la peinture vers d'autres territoires, vers d'autres expérimentations.