Samedi 2 novembre 2019 à 19h, à l'occasion d' Artissima, le PAV Parco Arte Vivente inaugure "Samakaalik : Earth Democracy and Women's Liberation (Earth Democracy and Feminism)", la première exposition personnelle italienne de l'une des artistes indiennes les plus radicales, Navjot Altaf (Meerut, 1949). L'exposition, organisée par Marco Scotini, représente un nouveau chapitre dans l'enquête sur la relation entre les pratiques artistiques et la pensée écologique sur le continent asiatique.

Avec Navjot Altaf, le PAV choisit de présenter l'intersection simultanée (samakaalik en hindi) des luttes pour la protection de l'environnement avec le mouvement féministe, une forme intersectionnelle d' écoféminisme que Bina Agarwal a défini comme « l'environnementalisme féministe ». Les œuvres d'Altaf étudient l'exploitation minière et l'agriculture intensive, l'industrie lourde, la consommation de la forêt, reflétant la souveraineté culturelle des peuples autochtones.

"Samakaalik" se fixe l'objectif complexe de reconstituer le parcours de l'artiste depuis son militantisme avec le collectif marxiste PROYOM : l'exposition s'ouvre sur quelques affiches de l'époque, dans lesquelles on retrouve les présupposés développés dans les décennies suivantes. Parallèlement à des pratiques collaboratives avec des artistes autochtones et des membres de la communauté Bastar, les recherches de Navjot se sont concentrées sur les zones minières du sud du district et du centre-nord du pays.
L'installation vidéo à double canal Soul Breath Wind enquête sur la lente violence des activités minières : un récit mené grâce à la voix des communautés locales en lutte. Aux côtés de la vidéo, les petites sculptures Patterns that Connect incarnent l'importance de la coexistence entre espèces menacées écologiquement, aspect déjà présent en 1972, dans le cycle de dessins pédagogiques Insects Logos . Dans le cycle How Perfect Perfection Can Be , la dimension architecturale fonctionne comme un champ d'investigation des aspects les plus sombres des idéologies du progrès. La vidéo Trail of Impunity nous raconte le soulèvement violent des communautés du Gujarat en 2002, à travers d'innombrables conversations sur la notion de dignité humaine, la critique de la violence et la possibilité de justice face à un système politique corrompu.

La relation entre l'oppression des femmes et le système capitaliste a été largement étudiée par des auteurs tels que Silvia Federici, Mariarosa Dalla Costa, Maria Mies, entre autres, qui soulignent le rôle clé des processus productifs et reproductifs dans l'amélioration capitaliste. Dans la spécificité du contexte post-colonial indien, les différentes formes de pensée écoféministe connaissent une pertinence particulière : des combats bien connus de Vandana Shiva, orientés vers une lecture essentialiste du rapport entre la femme et la nature , à ceux de l'économiste Bina Agarwal, qui insiste, au contraire, sur la centralité des relations sociales .

Dans les recherches d'Agarwal, les travailleuses des zones rurales indiennes incarnent un puissant agent de résistance à la « fable du développement » imposée par le capitalisme occidental. Cette perspective inclut également la pensée de la philosophe des sciences Meera Nanda, qui étudie la relation entre l'oppression féminine et le système des castes.

À travers ses œuvres - souligne la plus importante historienne de l'art, critique et curatrice indienne Geeta Kapur - Navjot mène une déconstruction constante de ces conventions identitaires (être une femme, être une ouvrière, être une agricultrice) fondée sur une culture déterminée, sur un système basé sur sur les divisions sociales structurellement complices du patriarcat et du capitalisme. Les formes d'identification en devenir, métisses et finalement simultanées sur lesquelles travaille Altaf, se construisent au contraire avec la conscience que tout système identitaire est intrinsèquement exclusif, toutes les identités catégorielles, toutes les instances idéologiques sont interdépendantes et que la compréhension de la position du sujet c'est toujours contingent

L'exposition est organisée avec le soutien de la Compagnia di San Paolo, de la Fondation CRT, de la Région Piémont et de la Ville de Turin.